AFRIS France a eu le plaisir d’organiser une table ronde le 18 janvier 2023. L’animation de cette table ronde fut assurée par Dorina Hintea et Hervé Tremeau, administrateur d’AFRIS France.
Intervenant·e·s :
• Guillaume Le Blanc, Philosophe
• Ingrid Dromard, Docteure en philosophie et ergologie
• Patrick Lechaux, chercheur en sciences de l’éducation
• Jonathan Chalier, rédacteur en chef adjoint de la revue Esprit
• ATD quart-monde
Retrouvez un article sur cette table ronde ici. Et la vidéo de la table ronde ci-dessous :
En France comme dans d’autres pays d’Europe, le travail social est soumis, peut être depuis toujours, mais certainement plus ces dernières années, à de fortes tensions que l’on peut synthétiser comme suit (1) : un travail social qui se voudrait émancipé et émancipateur et pourtant dépendant de l’action tutélaire de l’État ; des personnes et populations, avec leurs besoins, leurs attentes, leur pouvoir d’agir, censément au cœur des politiques publiques et des dispositifs qui les concernent mais des politiques publiques qui restent très souvent descendantes et des institutions prescriptrices ; une attente que ce secteur fasse preuve d’innovation, de participation, fonctionne en logique projet et partenariale, mais un secteur a ujourd’hui fortement contraint par des procédures et une logique de rationalisation, de gestion et de mise en concurrence.
Dans une société en pleine mutation (idéologique, écologique, sociale, économique, révolution technologique et numérique), le travail social, traversé par ces tensions, vit lui aussi des évolutions majeures, notamment une transformation importante de l’offre de service (moins d’établissements spécialisés et développement de plateformes de services articulées au droit commun) au service d’une logique de personnalisation et de parcours individuel (plutôt qu’auparavant de placement). Évolutions dont on peut légitimement se demander si elles sont au service premier des principes de solidarité et de justice sociale sur lesquels repose le travail social (2) , et/ou d’une rationalisation croissante du secteur.
Dans ce contexte où la place et la participation des personnes les plus fragilisées sont questionnées, où l’accompagnement à la performance individuelle est souvent préféré au principe du collectif, il peut donc être complexe pour les travailleur·euses soc iaux·ales de savoir comment situer leur action, ou encore plus profondément quel sens ils·elles peuvent donner à celle ci, comme l’illustre le propos suivant : Que devient le métier d’éducateur, ce terme générique qui signifiait pour Jacques Ladsous, l’accompagnement, le soutien, la proximité l’engagement.
Il a progressivement été morcelé en diverses fonctions et en divers niveaux de classification. Il est aujourd’hui question que certains de ces éducateurs, ceux qui sont spécialisés, accèdent à un grade universitaire et de viennent « coordonnateurs ». Et la relation dans tout ça (3).
En 1972, la revue Esprit dans son numéro de mai intitulait alors son dossier «Pourquoi le travail
social » ; en avril 1998, la revue interrogeait « A quoi sert le travail social » et en octobre 2022, elle emploie le ton d’une narration qui s’éloigne du présent « Il était une fois le travail social », elle propose également un podcast intitulé « Que peut encore le travail social », en écho au dossier de la revue. Ces trois titres à eux seuls montrent le cheminement et la fragilisation du travail social et sans doute de la perte de sens de l’action des travailleur·euses sociaux·ales.
Afris France, dans sa volonté de proposer des espaces de dialogue et de recherche à l’intersection de ses quatre piliers de référence (formation, recherche, intervention sociale, parole des personnes concernées), propose le 18 janvier 2023, une table ronde qui permettra d’interroger cette évolution majeure de la place du travail social dans une société en crise (de valeurs, de repères et de sens). Cette rencontre nous permettra sans aucun doute de nous interroger collectivement dans une dimension internationale.
Les quelques questions issues de cet extrait posent de manière assez efficace les débats qui animent aujourd’hui le champ de l’intervention sociale et de l’éducation spécialisée.
1 Pour aller plus loin, voir notamment l’ouvrage dirigé par Emmanuel Jovelin et Laure Liénard Le travail
social en Europe , Presses de l’EHESP, 2022
2 Voir décret n° 2017 877 du 6 mai 2017 relatif à la définition du travail social
3 In introduction dossier VST n°138 « être éducateur aujourd’hui, hommage à Jacques Ladsous »